La fin de l’immobilier facile

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Avec un plus haut à +16.9% annuel pour l’existant au second trimestre de 2021, le marché de l’immobilier est allé de record en record au point que des croissances à deux chiffres sont un lieu commun. Sur base de ses analyses internes, Nexvia observe une conjonction d’indicateurs suggérant qu’une baisse est en train de s’amorcer, du jamais vu - ou presque - au Luxembourg.

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28/10/2022 | Communiqué
  • Nexvia

Depuis que des statistiques sont publiées, le marché de l’immobilier résidentiel au Grand-Duché n’a connu qu’une seule baisse en 2009, plus légère et passagère que celle de nos voisins européens. “Investissement sûr”, “valeur refuge”, “bulle spéculative”, “brique dans le ventre”, chacun y va de son analyse. Dans les faits, il est vrai que l’immobilier résidentiel a démontré une grande solidité. Ces trois dernières années, la tendance s’est même accélérée avec des croissances à deux chiffres. La pandémie n'y a rien changé, les baisses de taux d’intérêt pour soutenir l’économie européenne ont dopé le secteur qui s’est vu porté par des taux d’emprunt historiquement bas.

Les banques, les courtiers, les promoteurs et les agents immobiliers sont aujourd’hui unanimes : la dynamique a changé. Romain Aubrée, Head of Sales chez Nexvia, explique : “Nous sommes passés d’un marché où nous trouvions rapidement plusieurs acheteurs faisant une offre sur un bien, à un marché où les acheteurs étaient moins nombreux à faire une offre, puis à un marché où les acheteurs prennent leur temps et cherchent la perle rare.” Chez les investisseurs, le sentiment de devoir investir aujourd’hui à tout prix pour ne pas louper une opportunité a disparu. Il a été remplacé par l’incertitude d’acheter dans un marché élevé et risqué.

Ce discours de prudence est de plus en plus présent au fil des mois. Nexvia livrait déjà des analyses dans ce sens lors de sa conférence en juillet de cette année. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène Luxembourgeois, mais d’une tendance dans les pays développés, en particulier dans les centres économiques qui ont bénéficié de taux bas et d’une attractivité importante au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, avec pour principal élément explicatif la hausse des taux, tous ces marchés sont touchés.

Cependant, les chiffres officiels manquent pour donner de la substance à cette idée. Dans le détail, les derniers chiffres de l’Observatoire de l’Habitat publiés fin septembre concernent les actes de vente signés sur une période s’étalant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022. Or dans la pratique, pour les biens existants, la signature de l'acte de vente n'intervient que deux à trois mois après celle du compromis de vente, ce délai pouvant aller au-delà de vingt-quatre mois pour les biens achetés sur plan. Il serait donc légitime de considérer que ces statistiques couvrent l’état du marché du 1er mai 2021 au 30 avril 2022, soit une date médiane au 1er novembre.

Notre source de données la plus qualitative a donc entre cinq et douze mois de retard, ce qui la rend moins pertinente pour apprécier la santé d’un marché changeant. Même si les prix continuent leur fanfare, un autre élément d’analyse important est le volume. Le résultat y est plus mitigé : l’existant semble se maintenir mais l’achat sur plan est déjà dans une phase compliquée sur base de ces chiffres. Plusieurs explications à cette différence :

  • L’achat sur plan est historiquement plus cher.
  • Les investisseurs étaient très présents sur le marché du neuf. La CSSF a durci les règles d’emprunt en 2021 en leur imposant un apport minimum de 20%.
  • L’investissement y est mauvais quand le rendement locatif brut avoisine les 2.5% et le coût de l’argent s’approche des 4%.
  • Les achats sur plans sont souvent soumis à l’indexation des coûts de la construction. L’inflation forte de ces derniers mois vient ajouter de l’incertitude sur l’opération. Conscients du problème, certains promoteurs immobiliers revoient progressivement cette politique

Comme nous allons le voir, il ne s’agit pas d’une baisse de l’offre, il y a simplement moins d’acheteurs intéressés.

L’inflation amorcée avec la pandémie s’est trouvée renforcée par la guerre en Ukraine. Sujet lointain pendant la pandémie, celui-ci s’est fait plus présent avec l’anticipation et la remontée effective des taux de la Banque Centrale Européenne (BCE). “Les taux fixes que nous observons sur le marché ont plus que doublé," détaille Vincent Quillé, Managing Director de Nexfin. "Le taux variable a été préservé un temps mais l’augmentation des taux de la BCE se fait sentir depuis quelques semaines. Pour l’acheteur moyen chez Nexfin, passer d’un taux de 1.6% à 3.5%, c’est perdre 20% de sa capacité d’achat.”

Nexfin indique observer un ratio d’endettement moyen de 40% du revenu net qui pourrait laisser penser qu’il y a une marge par rapport à la limite de 45% généralement imposée par les banques. "Parmi les acheteurs qui n’ont pas trouvé le bien de leur rêve, certains diffèrent simplement en espérant voir plus de clarté. On n’achète plus à n’importe quel prix", conclut Vincent Quillé.

Nous pouvons observer sur les données de taux fournies par Nexfin que l’inflexion a eu lieu mi-février 2022, le doublement a été atteint en milieu d’année.

Le volume des biens listés est en forte augmentation, notamment sur atHome, une des plateformes leaders du marché. Fräntz Miccoli, COO-CTO de Nexvia, commente : “nous observons une tendance d’augmentation du stock de biens disponibles à la vente depuis plusieurs mois sur tout le pays. La surprise pour nous a été de réaliser à quelle point les courbes des taux observés et des biens existants disponibles suivaient des tendances similaires en cette période.”

Si les taux expliquent une baisse de la capacité d’achat, la baisse de volume peut s’expliquer par le fait que les vendeurs n’ont pas encore ajusté leur prix de vente, alors que les acheteurs ne sont plus en mesure de se positionner ou doivent réduire l’ambition de leur projet.

“L’attractivité économique du pays n’a pas disparu, l’envie de devenir propriétaire ou d'investir dans l’immobilier non plus. Les capacités pour le faire dans les conditions de marché actuelles ne sont plus appropriées," explique Pierre Clement, CEO de Nexvia. "La baisse des volumes que nous observons est dûe à une inadéquation entre les taux, qui impactent les capacités de financement, et les prix de vente. Les ventes, et particulièrement sur le marché du neuf (achat sur plan), reprendront leur rythme lorsque le marché aura trouvé son équilibre.”

Cela étant dit, il convient aussi de nuancer : des transactions continuent de se faire. Le besoin de logements est là, car les projets de vie qui sont derrière n’ont pas changé.

Dans une perspective à moyen terme pour le pays, le manque de transactions dans le neuf pourrait retarder voire menacer des projets de construction. La baisse de volume d’actes dans le neuf, en particulier en ville, laisse prévoir un point bas dans les logements achevés pour les années à venir. Une chose dommageable dans un pays qui manque cruellement de logements depuis des années. Les changements législatifs annoncés récemment, décidés il y a plusieurs mois dans un environnement de taux moins compliqué, n’est pas de nature à améliorer la situation sur le volume de nouvelles constructions à court et moyen terme.

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